Les Green Consultants: cinéma et durabilité, 50 nuances plus vertes 4e314j

La promesse d’un cinéma plus durable s’écrit-elle au féminin? En 2007, c’est sur l’initiative de trois femmes, membres de la Producers Guilde of America, la faîtière des producteurs et productrices de cinéma, TV et nouveaux médias aux États-Unis, qu’a été formé le «Green Committee». En 2010, la même organisation lançait le «Green Production Guide», outil créé spécialement pour aider à la réduction de l’impact environnemental des productions audiovisuelles, avec le soutien de sociétés de production comme Disney, 20th Century Fox ou HBO. Un calculateur d’empreinte carbone, un annuaire de fournisseurs écoresponsables ou encore une liste de bonnes pratiques y figurent notamment.

De Laurine Chiarini

L’Europe a pris le train en marche en 2017, avec le lancement du projet «Green Screen». D’une durée de cinq ans, son objectif était d’inspirer et de former le monde du cinéma à des pratiques plus durables, en collaboration avec huit partenaires clés pour la production audiovisuelle, parmi lesquels des commissions du film à Londres, Paris, en Espagne ou en Slovaquie. Plusieurs labels de «film vert» existent en parallèle: l’albert Certification, créé en 2011 par l’Académie Britannique des Arts du Film et de la Télévision (BAFTA – équivalent britannique des Oscars), ou encore la certification «Green Film», développée en 2018 par la commission du film de Trentino, en Italie, et utilisée aujourd’hui dans de nombreux pays européens.

En Suisse aussi, c’est un groupe de femmes qui ont lancé en 2024 l’association AVF, Action Film Vert, un réseau pour un cinéma et une scène culturelle durables en Suisse. Elle vise à promouvoir des conditions favorables à une industrie plus durable, en impliquant toutes les parties prenantes, à chaque étape de la production, et favorise les échanges au niveau national et global. Mettant l’accent sur une gestion consciente des ressources limitées de la planète, l’association a aussi pour vocation de prendre en compte la justice sociale et le développement économique. Une liste de «consultants verts», certifiés dans les différentes régions de Suisse, est également proposée.

Depuis 2023, un CAS (Certificate of Advanced Studies) est proposé dans le programme de formation continue de la Hochschule Luzern, une haute école spécialisée. FOCAL, la Fondation de formation continue pour le cinéma et l'audiovisuel, basée à Berne, organise régulièrement des conférences et formations sur la durabilité destinées aux professionnels de l’industrie, en Suisse et en Europe. Ces dernières s’adressent autant aux équipes de production qu’aux organisateurs de festivals. Plusieurs festivals de films en Suisse, notamment Zurich et Locarno, ont introduit ces dernières années des rapports de durabilité, afin de quantifier de manière exhaustive l’empreinte carbone laissée par de telles manifestations et d’identifier de possibles axes d’amélioration. De telles actions s’inscrivent dans l’application de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).

En Suisse, à partir de 2026, les productions dès 800'000 CHF (documentaire) et respectivement 2 millions CHF (fiction) seront tenues d’engager un «consultant vert» et de mesurer leur emprunte carbone, qui devra également prendre en compte l’usage de l’intelligence artificielle dans le processus de création. Cet élément vient s’ajouter à la liste des postes les plus énergivores, à savoir principalement le déplacement de personnes et matériel, y compris durant la phase de promotion d’un film lors de son lancement, l’utilisation de l’énergie (éclairage, climatisation…), les matériaux employés pour les décors, costumes et accessoires, et la gestion des déchets, y compris ceux liés à la nourriture.

La Suisse, plutôt bonne élève en matière de tri et de recyclage, a également pour habitude de se raccorder au réseau d’électricité local sur les tournages plutôt que de mettre à contribution des générateurs, très polluants, mais qui constituent encore la norme dans de nombreux pays. La taille limitée de son bassin de main-d’œuvre et sa tradition de coproduction constituent cependant des désavantages: de nombreux professionnels et professionnelles sont engagés sur des projets à l’étranger, générant autant de déplacements. Si plusieurs pratiques, comme l’utilisation d’éclairage LED, de fournisseurs de nourriture locaux et de saison et d’éléments de décors réutilisables peuvent contribuer à réduire l’impact climatique d’un film tout en permettant d’en limiter les coûts, faire évoluer les mentalités, autant auprès des professionnels que du grand public, reste un travail de longue haleine.

La rédaction vous recommande aussi: 215j5c